Parfois je me demande ce que seraient devenus nos 8000 m2 si je ne les avais pas jardinés.
Le paysage est presque partout façonné par l'activité des hommes et des animaux.
En Lozère, mes paysages de prédilection que sont les Causses ont évolué au cours du temps. Il y a maintenant des forêts de pins plantés qui remplacent la nudité du Causse, ses chardons et ses cheveux d'ange. Ils se ressèment, voisinent avec le buis et créent des forêts. De temps en temps le feu se charge de modifier à nouveau le paysage.
Les vrais paysages entièrement sauvages existent-ils ? Pas sûr.

En dessous de chez nous dans une friche existant depuis plus de 25 ans, il y a eu peu d'interventions humaines, les seuls passages sont ceux des chasseurs, des animaux et les miens car ce lieu n'est plus relié à aucun chemin.
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Le bas fond humide en permanence à notre arrivée et même marécageux, s'est asséché peu à peu et a vu disparaître les joncs et une rare orchidée pourpre remplacés par de jeunes frênes, des saules, des fusains, des cornouillers et des aulnes impénétrables dans ce terrain resté frais. Le vent et les oiseaux selon le cas se chargent des semis.
La partie coteau ensoleillée est restée assez nue avec des graminées, quelques rares plantes courtes avec des cornouillers et des prunelliers rudes et râblés pour résister au soleil et au vent d’autan auxquels ils sont exposés.

Sur notre terrain il est probable qu'on aurait eu le même genre de choses: à notre arrivée, ronciers, pruniers et prunelliers impénétrables autour des points d'eau inaccessibles, une source au nord est et une mare au sud ouest, tout le reste en prairie fauchée une fois par an où c'était possible.
Étant donné la pauvreté botanique des environs, je suis bien contente d'avoir pris ça en main et d'avoir créé mon propre paysage, en tenant de plus en plus compte au fil du temps des conditions nécessaires à chaque plante: ensoleillement, hygrométrie, résistance au vent, à la sécheresse, au calcaire, à l'argile.
Et finalement, c'est un nouveau paysage qui se dessine que je jardine de moins en moins. Une fois que sont bien installées les plantes choisies, d'autres arrivent seules en profitant de l'ombre, de la protection nouvelle offerte, les oiseaux se perchent et sèment de nouvelles graines, les abeilles butinent et toute une vie de plus en plus riche et autonome s'installe.

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Je crée de nouveau massifs quand l'hiver très rude ou un été particulièrement secs libèrent de la place, il faut bien que j'aie encore de la place pour planter parce que j'aime ça, les potées à renouveler ne me suffisent pas, mais sinon je me contente d'observer, de nettoyer un peu au printemps, de moins en moins à l'automne car c'est trop sec, et de tondre.
Il n'y a qu'Hubert qui a plus de travail car la taille s'impose maintenant pour éviter la jungle impénétrable. Topiaires, reprise des haies, maintien des petits chemins, voila ce qui maintenant prend plus de temps !
Pour le reste ce sont les plantes elle même qui dessinent les bords de massif qui sont passés d'une forme dessinée par nous à une forme dessinée par les plantes elle mêmes.

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Entre le jardin sauvage, naturel, fouillis, laissé volontairement à l'abandon et le jardin où le maître des lieux décide de la place du moindre brin d'herbe, j'aimerais que mon jardin idéal se tienne sur le fil à l'exacte place entre les deux, là où l'équilibre est instable, avec un paysage poétique, imaginatif et rempli de surprises.

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